Pendant longtemps, la vente a été un mot inconfortable dans les offices de tourisme. C’était quelque chose qu’on contournait. Une posture qu’on associait à la pression commerciale, à la mise en avant forcé, au « ce n’est pas vraiment notre métier »…
Comme si vendre risquait d’abîmer la neutralité du service public ou la relation avec le visiteur.
Pourtant, les visiteurs qui contactent un office de tourisme, ou qui en franchissent le pas de sa porte, ne cherchent pas seulement de l’information. Ils veulent être aidés à choisir, obtenir une recommandation claire et parfois, finaliser un achat directement.
La question n’est donc plus :
« Faut-il vendre dans un office de tourisme ? »
Mais bien :
« Comment vendre avec justesse, transparence et pertinence pour améliorer l’expérience du visiteur ? »
Et pour ça, il faut lever les freins, repenser sa posture et donner aux conseillers en séjour les compétences pour vendre… sans renier la neutralité ni la mission d’accueil.
Vendre pour protéger l’intérêt du visiteur
Aujourd’hui, les visiteurs n’ont pas besoin d’un office de tourisme pour trouver de l’information. Ni même pour réserver ou acheter quoi que ce soit d’ailleurs.
Google, TripAdvisor, TikTok, Instagram, plateformes de réservation, IA génératives… Tout ce petit monde numérique influence, recommande, compare… Et surtout : vend en quelques clics.
Mais aucun d’entre eux n’est neutre : les plateformes en ligne poussent ce qui leur rapporte, les prestataires ne recommandent que leur propre activité, les IA n’ont aucun souci de cohérence globale du territoire.
Ces acteurs numériques orientent selon leurs logiques, leurs algorithmes, leurs stratégies, leurs objectifs commerciaux. Pas toujours selon l’intérêt du visiteur. Et sans forcément prendre en compte toutes les spécificités du territoire.

C’est là que les offices de tourisme se démarquent, car ce sont les seuls capables de garantir :
- Une posture neutre et des conseils impartiaux
- Une connaissance globale du territoire, dans ses moindres détails, même ceux qu’on ne retrouve pas en ligne
- Des propositions qualitatives alignées avec l’intérêt du visiteur et du territoire
Par ailleurs, les conseillers en séjour ont un avantage immense sur n’importe quel algorithme, car ils savent :
- Décrypter une intention réelle derrière une demande floue
- Lire et interpréter les émotions, les hésitations, les non-dits
- Adapter instantanément sa recommandation, sans avoir besoin de faire une nouvelle recherche ou reformuler un prompt
- Contextualiser ses propositions en fonction de la météo, du rythme du séjour, du contexte familial, des bouchons et des parkings bondés du marché du mardi
- Recommander avec sincérité et en s’appuyant sur sa propre expérience personnelle du territoire
- Proposer ce qui fait sens pour cette personne, maintenant

Bref. Vendre dans un office de tourisme, ou faciliter l’achat, n’est pas un acte commercial intrusif.
C’est garantir une expérience cohérente.
C’est un acte de qualité, de confiance et de service.
Les erreurs les plus fréquentes à l’accueil
Les conseillers en séjour savent recommander et valoriser leur territoire.
Ils le font depuis toujours.
Mais vendre ?
C’est encore un terrain délicat pour beaucoup et mêmes les meilleurs conseillers tombent encore dans certains pièges.
La neutralité excessive
“Je ne veux favoriser personne, donc je ne recommande pas vraiment.”
L’exhaustivité paralysante
“Voici les activités possibles pour ce week-end de Pâques…”
On se retrouve à tout dire, et le visiteur ressort parfois plus perdu qu’en arrivant.
L’hésitation dès qu’une prestation est payante
Comme si parler d’un produit local ou d’une visite guidée était un acte commercial douteux.
L’absence de reformulation
On répond à une demande floue par une liste floue.
La non-proposition de réservation
“Vous pourrez réserver directement là-bas.”
Le visiteur perd du temps, parfois une place, et la valeur ajoutée de l’office de tourisme disparaît.
Ces comportements sont compréhensibles. Pendant longtemps, vendre n’a pas été enseigné, formalisé, ni même vraiment encouragé.
Mais ils créent un paradoxe : les visiteurs attendent être guidés jusqu’au choix final, même payant… et le conseiller en séjour n’ose pas toujours aller jusque-là.

Trouver une posture juste
Recommander n’est pas vendre.
Et vendre n’est pas manipuler.
C’est accompagner le visiteur vers la meilleure expérience possible.
Concrètement, il suffit d’ancrer cet acte de vente dans ce qu’un office de tourisme fait déjà très bien : accueillir, comprendre, orienter.
- Reformuler l’intention : “Vous cherchez plutôt un moment calme, ou quelque chose de dynamique ?”
- Filtrer l’offre : 2 à 3 propositions maximum. Le visiteur n’a pas besoin de tout connaître. Il a besoin qu’on lui propose les options adaptées à ses besoins.
- Assumer la recommandation : “Pour vous, je recommande ceci, pour telle raison.”
- Être transparent : “C’est une prestation payante, mais elle correspond vraiment à ce que vous cherchez.”
- Gérer les objections avec calme : Une objection n’est pas toujours un refus. C’est parfois une demande de clarification ou de réassurance.
- Conclure naturellement : “Si vous voulez, je peux vous réserver la place tout de suite.” C’est la continuité de l’échange et c’est une façon de simplifier la vie du visiteur.

Et cela est valable aussi bien…
➡️ au comptoir d’accueil,
➡️ au téléphone,
➡️ par mail,
➡️ en message privé sur les réseaux,
➡️ et bien sûr à la boutique, où la vente fait partie intégrante de l’expérience.
4 situations concrètes : avant/après
Situation 1, au comptoir
“On veut faire un truc avec les enfants, vous avez une idée ?”
❌ Réponse habituelle
“Oui, alors il y a le parc, l’aquarium, le musée, la balade, la ferme pédagogique…”
→ Le visiteur risque de repartir confus.
✅ Réponse pertinente
“Pour des enfants de cet âge et vu la météo d’aujourd’hui, je vous recommande la ferme pédagogique. C’est interactif, pas trop long, et les enfants adorent. Je peux vous réserver vos entrées pour éviter l’attente sur place si vous voulez”
Situation 2, par mail
“Avec mon conjoint, nous serons vers chez vous samedi après-midi. Qu’est-ce qui vaut vraiment le coup en une demi-journée ?”
❌ Réponse habituelle
“Bonjour, voici le lien vers notre agenda en ligne, vous y retrouvez la liste complète des activités et événements organisés ce week-end.”
→ Le visiteur perd confiance et doit lui-même faire le tri.
✅ Réponse pertinente
“Bonjour, en une demi-journée, la visite guidée de 14h30 est idéale. Vous profiterez d’un vrai concentré du centre historique. C’est payant, mais c’est le meilleur rapport expérience/temps. En plus, vous pourrez clôturer votre visite en prenant un verre au bar du château : la vue sur la ville est exceptionnelle. Je peux vous réserver deux places si vous le souhaitez.”
Situation 3, à la boutique
Un visiteur flâne, un peu hésitant…
❌ Réponse habituelle
“Vous pouvez faire un tour… Je suis là si besoin…”
→ Pas de conseil, pas de lien, et le visiteur repart souvent les mains vides.
✅ Réponse pertinente
“Si vous chercher un souvenir vraiment local, ce miel est l’un de nos produits les plus appréciés : il vient d’un apiculteur d’ici, de père en fils, et il a été primé l’an dernier. Ce serait pour vous, ou pour offrir ?”
Situation 4, par téléphone
“On vient en famille la semaine prochaine et on hésite entre plusieurs balades.”
❌ Réponse habituelle
“Donnez-moi votre adresse mail, je vais vous envoyer les fiches détails de nos balades et vous pourrez choisir celle qui vous inspire en fonction de la météo du jour.”
→ Risque frustration et perte de valeur ajoutée de l’office de tourisme.
✅ Réponse pertinente
“En cette saison, celle-ci est parfaite le matin : elle est ombragée et vous aurez de très belles vues. L’après-midi, je vous conseille plutôt celle-ci : elle est plus courte mais on y a installé parcours de découverte de la faune et la flore locale qui plaît beaucoup aux enfants. Quand vous arrivez, passez me voir à l’office, je vous donnerai les plans et je vous montrerai les accès exacts sur la carte.”
Les impacts concrets d’une vente assumée
Quand un conseiller assume son rôle pleinement et maîtrise ces gestes, tout le monde y gagne :
Le visiteur
- sentiment d’être compris
- décision facilitée
- expérience plus fluide
- meilleure satisfaction
Le conseiller lui-même
- posture plus confortable
- échanges plus fluides
- confiance et légitimité renforcées
- fierté de valoriser son territoire
Le territoire
- cohérence dans la mise en avant
- partenaires recommandés à bon escient
- ventes naturelles et alignées avec l’intérêt du visiteur

On est loin de la vente forcée.
On est dans la vente assumée, utile et professionnelle, au service du voyageur et du territoire.
Conclusion
Recommander et vendre ne s’opposent pas.
Ce sont deux expressions d’une même mission : aider un visiteur à vivre la meilleure expérience possible sur le territoire.
Ces gestes reposent sur une écoute attentive, une compréhension fine des intentions, une connaissance précise du territoire et une capacité à rendre l’offre lisible et cohérente.
Et dans un monde saturé d’informations, d’algorithmes et d’IA, l’office de tourisme reste le seul acteur capable de :
- comprendre une intention réelle
- garantir la neutralité
- orienter avec justesse
- contextualiser en temps réel
- accompagner jusqu’à l’achat quand c’est utile
La vente ne doit pas être un tabou.
C’est un geste d’accueil, un geste professionnel, un geste de territoire.
Maîtriser ces compétences, c’est renforcer la qualité de l’accueil, et la légitimité du conseiller.
Pour se former sur le sujet

De la recommandation à la vente : vendre sans pression, convaincre avec confiance
Une formation pour celles et ceux qui souhaitent gagner en assurance et trouver la juste place entre neutralité, recommandation et vente.
Prochaine session
- 18 et 19 décembre 2025 – à Aix